Je t’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… Nous avons déjà tous chanté, ou du moins entendu, cette ritournelle que les enfants déclament lorsqu’ils effeuillent une marguerite. Mais vous êtes-vous déjà demandé pour quelle raison on ne terminait quasiment jamais par « pas du tout » ? La raison est mathématique, plus précisément phyllotaxique[1] : c’est parce qu’habituellement le nombre complet de pétales d’une marguerite est égal à 34, 55 ou 89. En effet, l’écrasante majorité des fleurs possèdent un nombre de pétales concordant avec la suite de Fibonnacci.
La nature affiche une intrigante prédominance de valeurs conformes à la suite dorée. Ces nombres interviennent partout autour de nous, dans le règne animal, végétal et minéral ; mais aussi dans l’infiniment petit et l’infiniment grand. Ils se retrouvent dans les proportions des êtres humains, des animaux, des insectes, des coquillages, des fruits, des fleurs et des cristaux ; mais aussi dans la croissance des branches, la forme des toiles d’araignées, le rythme des battements du cœur, le mouvement des cyclones météorologiques, la cadence de reproduction des lapins, la formation des galaxies… et même dans la structure de l’ADN.
À l’exception des deux premiers, chaque terme de la suite dorée est égal à la somme des deux termes qui le précèdent : 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144… [2]
Du rapport de deux termes consécutifs résulte toujours le nombre d’or (avec une légère marge de différence). Le résultat exact du rapport d’or ne diffère dans la nature, tout comme dans la suite, que de quelques décimales et s’amenuise au plus les nombres sont élevés.
1 : 1 = 1
2 : 1 =2 3 : 2 = 1,5 13 : 8 = 1,625 21 : 13 = 1,6153… |
34 : 21 = 1,61904…
55 : 34 = 1,61764… 89 : 55 = 1,61818… 144 : 89 = 1,6179… 233 : 144 =1,6180… |
Ce nombre d’or[3] (φ), d’une longueur infinie[4] et dont les décimales ne suivent aucune règle, correspond à 1,618033988749894848…[5]
La création toute entière est noyautée par les proportions de cet énigmatique nombre. Prenez par exemple une pomme de pin ou un ananas et vous verrez que l’arrangement des écailles est aligné le long de 8 rangées tournant dans le sens des aiguilles d’une horloge et de 13 rangées dans le sens inverse.[6] Si la nature est un excellent miroir des proportions d’or, précisons qu’il ne faut, en réalité, même pas quitter sa demeure pour prendre connaissance de l’existence du mystérieux rapport doré. D’innombrables exemples du nombre d’or existent dans le corps humain. Mesurez-vous du nombril aux pieds puis multipliez la mesure par φ (1,61803…), vous obtenez votre taille totale. La largeur de l’incisive latérale multipliée par φ répond à la largeur de l’incisive centrale. Au niveau des os de la main, la longueur des phalanges distales multipliée par φ concorde avec la longueur des phalanges médianes respectives, alors que le produit de la somme de ces deux phalanges et de φ, correspond à la longueur totale du doigt. De par sa surreprésentation, certains multiples du nombre d’or se répètent dans le corps humain, c’est ainsi que la longueur de l’auriculaire coïncide avec la longueur du nez ou la longueur du pied avec celle de l’avant-bras intérieur.[7] En réalité, le squelette tout entier et le visage de l’Homme s’inscrivent dans une multitude de rectangles, de courbes et de proportions d’or – l’objectif n’est pas ici de les répertorier mais uniquement de prendre connaissance de l’existence d’une prédominante perfection dans les mesures de la création. Le nombre d’or, également appelé la divine proportion[8], doit encourager le croyant à davantage de méditation car
{il y a certes dans la création des cieux et de la terre […] des signes évidents pour les doués d’intelligence}[9].
Le Très-Haut précise la mesure divine de Sa création dans plusieurs versets du Saint Coran : {Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée}[10] ; {Et toute chose a auprès de Lui sa mesure}[11] ; {Nous avons créé toute chose avec mesure}[12] ; {Puis [Dieu] l’a créée et formée harmonieusement}[13] ; {Glorifie le nom de ton Seigneur, le Très Haut, Celui Qui a créé et agencé harmonieusement, qui a décrété et guidé}[14] ; {Nous avons certes créé l’homme dans la forme la plus parfaite}[15] ; etc.
Pythagore (m. 495 av. J.-C.), philosophe[16] et mathématicien de l’Antiquité grecque, pensait déjà que tout ce qui nous entoure a été mis en place suivant un nombre et une forme purement mathématique. Il se réunissait secrètement avec ceux que l’on nomme les pythagoriciens afin de discuter de leurs découvertes mathématiques. Ils « attribuaient aux nombres un caractère sacré et pensaient qu’à travers eux tout pouvait se mesurer et s’exprimer »[17]. Pour se reconnaître, ils portaient comme signe distinctif un pentagramme. Le choix n’était pas aléatoire, cette forme géométrique, lorsqu’elle est déconstruite, donne des longueurs qui, classées par ordre croissant, correspondent à la logique de la suite dorée.[18] De plus, dans le pentagramme se trouve le rectangle d’or[19] que les Grecs admiraient tant pour ses merveilleuses proportions. Nous le retrouvons dans l’architecture grecque classique, par exemple, dans le Panthéon[20], structure architecturale complexe formée de juxtapositions consécutives de rectangles d’or ; mais aussi, dans l’architecture du Moyen Âge, (prenons par exemple, la façade de la plus ancienne université d’Europe : l’Université de Salamanque, datée de 1218)[21] ; jusqu’à dans l’architecture contemporaine[22].
Il faudra néanmoins attendre Léonardo Fibonacci (m. 1250) et son liber abaci[23] pour que la suite dorée soit enfin totalement théorisée – ou bien redécouverte ?![24] Fibonacci était un mathématicien qui aimait voyager, d’où son surnom de Bigollo (voyageur), il vécut à Pise, en Algérie, en Égypte, en Syrie, en Sicile et en Provence. Il étudia entre autres les travaux algébriques d’Al-Khawārizmī et les études mathématiques grecques traduites et développées dans le monde musulman. Le Dr. Corbalán, spécialiste des mathématiques et de la physique, dit au sujet de Fibonnaci que ce sont ses voyages en Afrique du Nord qui « lui offrirent l’opportunité de s’initier aux mathématiques arabes aux côtés de maîtres musulmans »[25]. Il livra dans le liber abaci la description de l’évolution d’une population de lapins en s’appuyant sur deux règles. Premièrement, un couple de lapins devient adulte après une génération, et deuxièmement, un lapin adulte donne naissance à un jeune lapin à chaque génération[26]. Il arriva ainsi à travers cette règle à la suite d’or : 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, 233, 377, 610, 987, 1597… Notons que des mathématiciens chinois et arabes, dont Omar Khayyam (m. 1131) avaient déjà théorisé autrement cette série au travers du triangle aujourd’hui appelé « triangle de Pascal ».[27]
Le nombre d’or dans l’Univers n’est pas statique et doit être compris dans sa nuance, une infime différence (se traduisant en décimales) est toujours perceptible dans ses mesures. En effet, si ces proportions correspondaient jusqu’à dans leur infinie décimale, nous serions tous des clones et aucune diversité n’existerait. Au-delà de l’absurdité totale d’une telle forme d’existence, cela ne répond pas au décret divin : {Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allāh, est le plus pieux. Allāh est certes Omniscient et Grand-Connaisseur.}[28]
Bien plus qu’une suite figée et infinie de nombres, la proportion d’or doit être appréhendée comme une trace, un rapport mesurable qui marque la signature d’un même Créateur pour toute chose, de l’ADN aux galaxies en passant entre autres par les cristaux, les humains, les fruits ou même la situation géographique de la Mecque[29] ! Il s’agit résolument du coup de pinceau très personnel[30] d’al-Musawwir, le Dessinateur de toute chose et son Formateur, le Suprême-Sculpteur, Celui qui donne un aspect diversifié à chaque création et à chaque créature en suivant les normes qu’Il désire. De la même façon que les peintures de Michel-Ange, Rubens, Bosch ou Velázquez peuvent être reconnues par des experts, tout ce qui nous entoure ou qui fait partie de nous-mêmes peut être reconnu comme œuvre suprême de l’Unique Créateur par ceux qui aspirent réellement vers Lui. Le croyant qui prend connaissance de la divine proportion ne peut passer à coté de cette occasion en or sans en méditer ses aspects extraordinaires. L’imam al-Hassan al-Basrī (m. 728) avait pour habitude de dire que « méditer pendant une heure est meilleur que prier une nuit durant sans cœur ». Le Tout-Puissant fait également l’éloge de ceux qui s’adonnent à la méditation lorsqu’Il dit : {Il y a certes dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, des signes évidents pour les doués d’intelligence, (ceux) qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, invoquent Allāh et méditent sur la création des cieux et de la terre (disant) : « Notre Seigneur ! Tu n’as pas créé cela en vain. Gloire à Toi ! Garde-nous du châtiment du Feu ! »}[31]
Publié sur Raisonnances.net
[1] La phyllotaxie est la science qui étudie la disposition des feuilles et des fleurs.
[2] En effet ; en additionnant 1 et 1, nous obtenons 2 ; en additionnant 2 et 3, nous obtenons 5 ; en additionnant 3 et 5, nous obtenons 8 et ainsi de suite.
[3] On désigne le nombre d’or par la lettre grecque φ (phi) en hommage à Phidias (m. 430 av. J.-C.), sculpteur grec du Parthénon à Athènes.
[4] Il est possible de consulter les 100.000 premières décimales de cette suite totalement improbable sur : http://www.gecif.net/articles/mathematiques/nombredor/nombredordecimales.html
[5] φ= (1+√5)/2.
[6] Si nous divisons 13 par 8, nous obtenons 1,625. La marge de différence avec le prototype du nombre d’or n’est dans ce cas que de 0,007.
[7] Une des causes qui pourraient expliquer que les constructions du Moyen Âge répondent au rapport du nombre d’or est que l’architecture de cette époque se basait principalement sur les mesures humaines, en effet : « […] au Moyen Âge les mensurations humaines étaient utilisées comme patron. Les constructeurs français de cathédrales utilisaient un instrument de mesure formé de cinq tiges articulées dont les longueurs étaient la paume, le quart, l’empan, le pied et le coude. Ces mesures se fondaient sur la mesure du bras et pied humains. […] la raison de chacune par rapport à la précédente est de φ. Corbalán Fernando, Le nombre d’or : le langage mathématique de la beauté, Le monde est mathématique, Une collection présentée par Cédric Villani, Paris, RBA, 2013, pp. 130-131.
[8] En 1498, le moine Fra Luca Pacioli (m. 1517) traite du nombre d’or dans De divina proportion (la divine proportion), ouvrage mathématique illustré par des planches de Léonard De Vinci (m. 1519) où l’on retrouve notamment son célébrissime Homme de Vitruve, homme aux parfaites proportions (tirées du nombre d’or), inséré dans un carré et un cercle dont la longueur et le rayon respectifs correspondent, également, au nombre d’or. Corbalán Fernando, op.cit., p. 105.
[9] Coran, 3 : 190.
[10] Coran, 9 : 7.
[11] Coran, 13 : 8.
[12] Coran, 54 : 49.
[13] Coran, 75 : 38.
[14] Coran, 87 : 1-3.
[15] Coran, 95 : 4.
[16] Cicéron rapporte que Pythagore lui-même inventa le mot philosophos (φιλόσοφος) que l’on peut traduire par « amoureux de la sagesse ». « Par la même raison, sans doute, tous ceux qui se sont attachés depuis aux sciences contemplatives, ont été tenus pour Sages, et ont été nommés tels, jusqu’au temps de Pythagore, qui mit le premier en vogue le nom de philosophe. Héraclide de Pont, disciple de Platon, et très habile homme lui-même, en raconte ainsi l’histoire. Un jour, dit-il, Léon, roi des Phliasiens, entendit Pythagore discourir sur certains points avec tant de savoir et d’éloquence, que ce prince, saisi d’admiration, lui demanda quel était donc l’art dont il faisait profession. À quoi Pythagore répondit, qu’il n’en savait aucun ; mais qu’il était « philosophe ». Et sur ce, le roi, surpris de la nouveauté de ce nom, le pria de lui dire qui étaient donc les philosophes, et en quoi ils différaient des autres hommes. » Cicéron, Tusculanes, V, 3, § 8.
[17] Corbalán, op.cit., p. 25.
[18] Lorsque nous additionnons les deux premières longueurs, nous rencontrons la longueur de la troisième, alors qu’en additionnant la deuxième et la troisième longueur, nous aboutissons à la longueur de la quatrième.
[19] À l’intérieur d’un rectangle d’or peuvent se produire une infinité de rectangles d’or de taille décroissante.
[20] Le nombre d’or avait été découvert par les grecs qui l’utilisaient à profusion. La première trace écrite retrouvée intacte à ce jour date de l’an 300 av. J.-C., il s’agit des Éléments de géométrie d’Euclide. Corbalán, op.cit., p. 26. L’écrivain Maila Ghyka (m. 1965) défendait la thèse, toujours sujette à débat, que « les artistes grecs utilisaient la proportion d’or de manière consciente et délibérée ». Corbalán, op.cit., p. 80.
[21] « La façade fut reconstruite au XVème siècle suivant le style plateresque, une fusion entre les styles mudéjar et gothique flamboyant […] la relation d’or détermine ses proportions ». Corbalán, op.cit., p. 121.
[22] Par exemple dans les constructions de Zvi Hecker et Le Corbusier.
[23] Le Livre de l’abaque porte un titre ironique car il démontre les avantages des chiffres arabes sur les méthodes des abacistes, d’usage alors en Italie, qui se servaient de la numérotation romaine. Corbalán, op.cit., p. 37.
[24] Des civilisations très anciennes utilisaient fréquemment le nombre d’or dans leurs constructions. La plus ancienne manifestation de l’utilisation de ces proportions remonte au temple d’Andros (10.000 av. J.-C.), retrouvé sous la mer des Bahamas. Le rapport de la hauteur de la pyramide de Khéops (2.800 av. J.-C.) par sa demi-base correspond au nombre d’or alors que son intérieur met en évidence l’importance que son architecte attachait à cette proportion.
[25] Corbalán, op.cit., p. 36.
[26] Chez la lapine, la gestation ne dure que 31 jours.
[27] Corbalán, op.cit., p. 49. Le « triangle de Pascal », porte le nom de celui qui l’a transmis en Europe, le philosophe et scientifique : Blaise Pascal (m. 1662).
[28] Coran, 49 : 13.
[29] Pour plus d’informations à ce sujet, veuillez consulter notre article : « La ville sainte de la Mecque à la lumière du nombre d’or ». https://raisonnances.net/la-mecque-a-la-lumiere-du-nombre-dor/
[30] De tous temps, sculpteurs, peintres, architectes, dessinateurs et autres types d’artistes ou d’artisans, se sont inspirés – inconsciemment ou de façon plus mesurée – des divines proportions dans leurs œuvres. C’est notamment le cas d’artistes du 20ème siècle tels que Picasso, Dali et Le Corbusier.
[31] Coran, 3 : 190-191.